Comment attacher votre partenaire ?
Quand on lui demande pourquoi il a décidé de réaliser un documentaire entier sur le kinbaku (cette pratique érotique d’origine japonaise qui consiste à attacher son partenaire), Nathanaël Friloux revient naturellement à cette scène originelle, une soirée « Demonia », en 2015, près de Paris : « La fille coulait, elle mouillait de partout. »
Au milieu du cuir et du latex, des fouets, des martinets, des clous, un couple improbable détonne car il ne joue… qu’avec des cordes. Nathanaël Friloux (qui travaille alors sur une série documentaire sur le sexe et le rock) fait partie des spectateurs fascinés, et trois ans plus tard, en juin dernier, sort donc ce fabuleux documentaire : Planète Kinbaku.
On y voit des corps suspendus, tendus, arqués, se balancer, suer ou encore gémir de douleur et de plaisir. « C’est de l’amour, c’est de la douleur, c’est un challenge, c’est une lutte » résume dans le documentaire une jeune femme à l’air innocent. Bien sûr, on sort de ce visionnage en se disant, guillerets, qu’on se verrait bien, nous aussi, ficeler son ou sa partenaire comme un rôti.
Mauvaise idée : le kinbaku ne s’improvise jamais. Si vous êtes tenté, mieux vaut suivre un chemin bien balisé.
C’est la meilleure façon de se mettre dans le bain et d’appréhender des notions fondamentales qui y sont exposées, comme le consentement. Nathanaël Friloux explique que « Tout se négocie. » Même quand les partenaires décident de jouer avec les limites, il existe des règles, comme un « safe word » (le mot-clé pour tout arrêter).
Ce n’est pas exactement du « bondage » et la pratique peut être érotique ou pas. « On ne va pas forcément faire l’amour dans les cordes, on va jouer avec la respiration, la sensualité », raconte par exemple Alex Dirty von P, le fondateur de l’école des cordes à Paris. D’ailleurs, au tout début, au XVe siècle, quand « le kinbaku était un outil de capture et de torture utilisé par les samouraïs, ça n’avait vraiment rien d’érotique. » Les nœuds choisis pour ligoter le bandit ou le prisonnier racontaient ce qu’il s’était passé (pourquoi il avait été arrêté, comment et par qui il avait été ligoté). Aujourd’hui, le kinbaku est un art à part entière qu’on retrouve aussi bien à l’opéra que dans la pop culture (de Lady Gaga à Dita von Teese).
« La plupart des structures rappellent les règles de sécurité, prévient Alex Dirty von P. On ne peut pas se lancer en se disant : “Tiens, c’est rigolo, je vais attacher ma copine”. Il faut apprendre les nœuds de base et ne jamais faire de nœuds coulants car ils peuvent priver un membre d’oxygène, or si cela dure plus de sept minutes, c’est l’amputation. » L’erreur du débutant ? « La compression du nerf radial qui gère la pince entre le pouce et l’index. Si on le compresse, on peut se retrouver avec la main qui ne bouge plus quelques heures voire quelques mois. »
Être attaché, contraint, le corps dans le vide, n’est pas anodin. Cela nécessite une vraie responsabilité de la part de la personne qui attache. Et du côté de la personne attachée, on peut ressentir un vrai sentiment de vulnérabilité. « Il faut savoir gérer cette prise de pouvoir qu’on a, quand on attache quelqu’un. Aller répondre au téléphone alors qu’on a attaché quelqu’un, ce n’est pas possible, par exemple », rappelle Alex Dirty von P, avant de conclure : « De toute manière, il vaut toujours mieux tester ce qu’on a envie de faire à d’autres ! »
Planète Kinbaku, un documentaire de Nathanaël Friloux et Pascal Grisoni (disponible sur spicee.com)